Ce temple, inauguré en 1842, fut construit à la demande d’une grande majorité des habitants de la commune suite à leur conversion au protestantisme.
Plus qu’une véritable adhésion spirituelle, il s’agit pour eux de signifier aux représentants de la religion catholique et au châtelain de Flamanville, leur mécontentement. Cette colère a deux origines principales…
La guerre du varech
Avant 1789, l’enclave du mont Saint-Gilles, site de l’ancienne église, faisait partie de la paroisse de Flamanville. Cette partie du bord de mer est rocheuse et riche en varech.
En 1789, la France fût divisée en communes. Dès lors, les communes voisines, Siouville et Tréauville demandèrent une rectification de leurs limites, prétextant que Flamanville possédait déjà plusieurs km de côtes. En 1823, un géomètre soumit un projet d’annexion du Mont Saint-Gilles à l’approbation du Conseil Municipal de Siouville, qui accepta. Seulement, le jour de la récolte du varech en 1828, les cultivateurs siouvillais se rendirent insouciants à la plage du Platé où ils furent accueillis par de nombreux flamanvillais, maire en tête, armés de faucillons. Cet affrontement fit plusieurs blessés. En effet, le châtelain de Flamanville, plus riche propriétaire de la région avait conservé sur ses terres, par les limites imprécises du géomètre, le chemin d’accès à la plage depuis Siouville.
Le règlement de cette affaire est intervenu par l’ordonnance royale du 05/09/1834, fixant les limites actuelles des trois communes, Tréauville et Siouville se partageant le Mont Saint-Gilles et la plage du Platé, Flamanville obtenant une partie du territoire de Tréauville dont le port Diélette. Les Siouvillais, humiliés, gardaient rancune au Comte qui, grâce à ses relations politiques, leur avait fait perdre l’exploitation exclusive du varech, mais également envers leur curé qui s’indignait de l’attitude de ses paroissiens envers le châtelain de sa commune de naissance.
Le Vicaire
Le Curé de Siouville, l’Abbé Allexandre, très âgé et presque aveugle, ne pouvait plus assurer seul son ministère.
Un vicaire lui fut envoyé, qu’il rémunéra de ses propres deniers. Mais en 1837, ses besoins augmentant en proportion de ses infirmités, il demanda une aide financière au conseil municipal. Celui-ci refusa s’estimant trop pauvre. Sur décision de l’évêque de Coutances, le vicaire fut enlevé et seuls les offices indispensables furent célébrés par les curés des communes voisines.
Par défi le maire décida alors de s’adresser au ministre protestant de Cherbourg qui vint prêcher. L’évêque craignant qu’un foyer d’hérésie ne se propage, demanda au vieux curé de démissionner et envoya pour le remplacer l’Abbé VIEL, déjà connu des siouvillais pour s’être montré partisan des gens hors communes. Ceci ne fit qu’aggraver la situation et le protestantisme gagna alors du terrain.
En décembre 1839, le ministre des cultes accepta la célébration officielle à Siouville du culte protestant. Des fonds furent collectés auprès des sociétés bibliques pour la construction d’un temple à proximité de l’église.
L’inauguration eut lieu de 4 décembre 1842, en présence du préfet et d’une grande foule.
La fin du schisme
A l’origine, le schisme n’avait pas été établi par conviction religieuse. L’objectif était d’atteindre des hommes, or ceux-ci avaient disparu et peu à peu, l’engouement protestant retomba au profit du catholicisme.
Vendu à des particuliers, en 1922 par les sociétés bibliques qui l’avaient financé, le temple servit de grange en 1927.
Après la seconde guerre mondiale, il a été loué à la municipalité qui l’utilisait notamment lors de rassemblements festifs mais également et paradoxalement pour la pratique du culte catholique pendant des travaux de réfection de l’église.
En 1975 ; il est acheté par la commune et sert pour toutes sortes de manifestations.
Sources : d’après l’ouvrage de M. André HAMEL « Le Schisme protestant de 1837 »